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lunedì 16 settembre 2019

La fidélité du militaire 5

DIBATTITI
Le militaire doit-il sans condition
 obéir à l’autorité politique ?



CF Jean-Marc Bordier

  
Le militaire doit-il sans condition obéir à l’autorité politique ?

C’est pour donner quelques éléments de réponse à cette question complexe que deux exemples seront tirés de l’histoire de France pour essayer d’en extraire des conclusions dont l’objectif n’est pas de répondre de manière définitive à cette problématique mais de susciter une réflexion personnelle.

L’Armistice de juin 1940

La situation extrêmement compliquée devant laquelle se trouvent les militaires italiens au moment de l’armistice de septembre 1943 peut, à bien des égards, être comparée à celle devant laquelle se trouvent les militaires français après l’armistice de juin 1940. Alors que nombre militaires français n’ont pas combattu (l’ensemble de la marine française par exemple), quelques semaines seulement après le début des hostilités réelles avec l’Allemagne, le maréchal Pétain, héros de la première guerre mondiale, symbole de la résistance héroïque de Verdun et arrivé au pouvoir après la démission du gouvernement de Paul Reynaud le 16 juin 1940, dans une allocution radiodiffusée le 17 juin 1940 , demande aux militaires français de cesser de combattre pour préserver la France et sa population de malheurs inutiles ; il est par ailleurs convaincu que l’Angleterre serait vaincue rapidement et que l’Allemagne sortirait vainqueur du conflit.
En écho au discours du maréchal Pétain du 17 juin 1940, le général de Gaulle, alors inconnu de la population française, lance un appel radiodiffusé de Londres le 18 juin 1940 , enjoignant les Français, non pas à déposer les armes, mais à continuer le combat contre les forces de l’Axe. Pour avoir désobéi au pouvoir « légitime », il est condamné à mort par le régime de Vichy que le maréchal Pétain préside. Aujourd’hui, on parle souvent de « juste désobéissance » pour qualifier l’action du général de Gaulle en juin 1940.

Comment donc et pourquoi, deux officiers qui sortent de la même école, qui partagent le même socle de valeurs, la même culture, ayant une très haute idée de la France, une haute conception de l’Honneur, arrivent à avoir deux positions tellement opposées devant une telle situation ?
Parce que l’obéissance a une limite, qui n’est pas nécessairement liée à la formation académique que l’on reçoit dans les écoles ou aux contrats d’engagement que l’on peut signer, mais liée plus certainement à notre culture propre, notre éducation, notre sens de l’Honneur, notre amour de la Patrie, notre religion lorsqu’on en a une, la Morale si on en a besoin, nos intérêts, nos ambitions. La clé de l’opposition entre le maréchal Pétain et le général de Gaulle est que le premier agit comme un politique, en fonction de ce qui lui semble être l’intérêt général (éviter les victimes inutiles, préserver la France d’une occupation totale), lorsque le second agit avec son cœur, « ses tripes », en fonction de ce qui lui semble être le Bien Commun (refus catégorique de la défaite face à une idéologie qu’il rejette en bloc car contraire à ses valeurs fondamentales).

 Le putsch des généraux d’avril 1961 en Algérie

Le samedi 22 avril 1961, les généraux Challe, Salan, Zeller et Jouhaud, avec l'appui du 1er régiment de parachutistes, commettent un coup de force à Alger. Ce putsch fait suite à la conférence de presse du 11 avril 1961, où de Gaulle justifie sur un ton, jugé désinvolte, la décolonisation de l'Algérie par ce qu'elle coûte à la France. Ceci est ressenti comme une provocation chez les tenants de l'Algérie française, qui tentent de refaire le 13 mai 1958 (chute de la IVème République, arrivée au pouvoir du général de Gaulle). Par l'allocution du 23 avril , de Gaulle, en uniforme militaire, informe la Nation qu'il assume les pleins pouvoirs prévus par l'article 16 de la Constitution de la Vème République. Diffusé par les postes à transistors en Algérie, ce discours jalonné de formules frappantes encourage la désobéissance des soldats du contingent aux officiers putschistes et intimide les hésitants. Discours capital, l'allocution du 23 avril fait tourner court la rébellion.

Les généraux putschistes se sentent trahis par de Gaulle et ne veulent pas être les complices passifs d’un pouvoir politique métropolitain accusé d’être parjure, qui semble ignorer les intérêts de tant de Français vivant en Algérie, qui semble prêt à se séparer d’un morceau de France alors que la victoire militaire sur les forces adverses est largement à portée de main. Obéir au régime légitime leur devient insupportable et par un acte désespéré, ils désobéissent avec fracas, emmenant avec eux plusieurs officiers et régiments.

 Conclusion

En temps de paix, la fidélité, l’obéissance au chef est facile et ne pose pas de difficulté. La situation se complique de manière notable en temps de crise ou de guerre : le militaire, qui se sent trahi, abandonné, peut être tenté de ne pas obéir aux ordres reçus des autorités politiques, ou bien parce qu’il les trouve contraires à l’honneur, aux idéaux qu’il défend, ou bien parce que les politiques ne sont pas considérés comme légitimes ou dignes d’être obéis.

L’obéissance au chef a donc une limite, un point de rupture. Ce dernier est bien sûr personnel et est très difficile à définir de manière précise, a priori. Il dépend d’un nombre important de facteurs sur lesquels une réflexion personnelle est sans doute importante pour nous, militaires. Face à une situation donnée, face à un choix difficile, quelle est la mesure dont je me sers pour prendre ma décision : mon éducation ? mes valeurs ? l’honneur ? ma religion ? la loi ? mon courage ? mes convictions ? mes intérêts ? mon bien-être ? l’intérêt général ? le Bien Commun ?
Une réponse claire à cette question serait de nature à déterminer notre point de rupture et améliorer la connaissance que nous avons de nous-mêmes.

Mais sommes nous réellement prêts à effectuer objectivement cette introspection ?

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